golden eyes with a gray heart 〖 Josuke 〗

〖 tw // mort, consommation de nicotine, meurtre, sang, violence, scarification, homocide volontaire 〗

Il y a trois types de chances lorsque l’on nait. La première, la plus simple, la plus facile, la plus commune, celle de n’être que simplement soi. Sans pouvoir, goûtant la simplicité d’une sorte de vie sans tracas, d’un quotidien qui coule au fil du temps. La deuxième, un peu plus aventureux, beaucoup plus dangereux, et existant. C’est en recevant un don, que tout vient avec. Le tumulte de la vie, rythmé par d’infatigables problèmes qui, pourtant, arrivent toujours à être plus ou moins résolus. C’est une histoire de héros, d’avoir une bénédiction. Et puis, il y a la troisième catégorie de chance. Ceux qui sont maudits, ceux qui vivront avec l’indécence de leur génome pourri par la noirceur d’un cadeau empoisonné. Pour certains, pas de complications, ces enfants sont les méchants de l’histoire. Les antihéros, les problèmes ambulants, les fouteurs de troubles. Dans tous les cas, ils sont ceux que personne ne désire. Alors, évidemment, tout le monde pria, pour la naissance du nouvel enfant, que quelqu’un de tendre vienne le bénir de son touché miraculeux. Ils espéraient, du fond de leur appartement précaire, qu’un dieu ou une déesse ne leur fasse l’honneur d’un avenir prodigieux. Ils y avaient cru, ils avaient espérer. Alors, jamais ils ne l’avaient brusqué. Jamais ils ne l’avaient pressurisé, savant pertinemment, éperdument, qu’il sera un homme bon. Il apportera l’honneur, il sera celui qui les sauvera. Un fils, né du fruit d’un amour sincère, ne pouvait être qu’un cadeau des dieux. Ils attendirent qu’il ne fasse ses premiers pas, prenant les photos, s’amusant de ses rires devant les bougies de ses petits gâteaux d’anniversaire. Il ne voyait que la simplicité, le riz toujours un peu trop flasque et les verres d’eau à la place des jus de fruits. Pourtant, il était heureux. Enfant souriant, intelligent, gentil. C’est ça ! Il était gentil. Un bon garçon, le digne fils de son père ! Un travailleur, pour sûr, un homme bien. Il était, oui, il était leur fierté. Ils le savaient, leur enfant était un cadeau. Après tout ce temps à espérer, à attendre de voir le ventre s’arrondir et le dos se arquer. Maintenant, il était là, le bambin qui courait dans l’herbe du parc, qui s’accrochait aux jambes de sa mère pour se cacher du monstre à grimace. Il apprit, il grandit. Ils attendaient, de leur côté, de voir ses premiers mouvements étranges, ses premières étincelles de magie. Qui était-il ? Un enfant de la lune ou du soleil ? Oh, vu son sourire, ce serait de l’amour, non ? Sa bouille qui donnait envie de lui embrasser les deux joues. Ils faisaient attention aussi. Aux fous, aux tarés, qui voudraient s’en prendre à leur enfant. Si les dieux leur avaient offert ce cadeau, pourquoi donc les chasser ? Ils étaient des trésors, pas des obus. Il ne montrait rien, mais ils le sentaient, cela n’allait pas tarder. Et puis, la première touchait à sa fin. Il y eu son cri, remplis de haine face à cet homme qui avait arraché le sac à main de sa mère. Elle qui avait travaillé si dur pour l’avoir, qui avait économisé. Il le savait, il commençait à comprendre. Et lui, le voleur, n’avait eu aucune honte à se pendre d’un bien qui n’était pas le sien. Et l’enfant avait ouvert, bien malgré lui, les portes de son cœur mais aussi celles du briguant. L’arme pointé sur la colère brute, il avait tiré. Mais l’enfant n’était pas mort, le voleur fut arrêté, hurlant de folie. Sa mère quand à elle, vit tous ses espoirs s’envoler. La guerre. Elle abritait sous son toit un héritier du chaos. Elle lui avait donné le sein, l’avait bercé. Elle avait élevé un méchant. Son fils était un monstre.

Tout comme les héros, il faut le choque. Ce moment où la situation se retourne tellement, qu’elle crée une nouvelle personne. L’attrait du traumatisme donne la perspective d’un départ nouveau. Finit l’introduction, maintenant il s’agit des périlleuses aventures qui emmèneront le jeune téméraire dans une trépidante quête de soi-même. Jusqu’à se perdre soi-même. Le principe est le même pour les grands méchants. Lui, il perdit son père. Un accident, simple, alors qu’il avait réussi à rentrer au collège. Les bêtises des autres font le malheur des autres. Ainsi, le deuil frappa la famille qui encaissait à peine la découverte foudroyante que leur enfant prodige n’avait rien d’un saint. Il était bien tout le contraire. Diabolisant déjà l’existence même de ce dieu perturbateur, ils se refusèrent à tout contact avec l’adolescent et sa mère, les abandonnant dans leur souffrance et leur détresse. Revenant sur terre, la matrone releva les épaules et prit son destin en main. Son fils n’était pas le diable, il n’en avait que les critères. Cela ne faisait pas de lui l’image de son protecteur. Il n’en était même pas l’effigie physique. Cache ton pouvoir, n’en parle pas. Ce qu’il fit. Il suivit ses demandes, ne sachant même pas comment il avait ouvert les vannes la première fois. Le poids de la disparition de son père pesait dans sa conscience pourtant, le bloquant. Il n’arrivait plus à apprendre, il ne comprenait plus rien, il ne savait pas pourquoi il était encore là, alors que celui qui lui avait donné la vie n’était plus. On le convoqua, une fois, lui disant de se ressaisir. Tu veux un bon lycée non ? Pour faire de bonnes études. Avoir un bon travail. Avec une bonne famille. C’est ça que tu veux, non ? C’est ça que tu veux, oui. Il l’accepta, se plia à la martialité d’un regard. Mais cela n’arrangea rien. Etait-ce réellement ce qu’il voulait ? On le convoqua une deuxième fois, l’affranchissant d’une remarque acide cette fois. Petit faible, il faut s’en remettre voyons ! Tu n’es pas arrivé ici pour rien tout de même ! La fêlure déjà polie ne fit que s’entrouvrir un peu plus. L’absence était pesante. Le silence qui remplissait l’appartement vidé de toute vie. Il était seul, à ne pas pouvoir se concentrer. Personne pour le pousser, personne pour l’aider. Il coulait. Il plongeait. Tandis qu’elle se débattait pour ne pas crever. On le convoqua une troisième fois. L’accueil fut une violente tape sur le front, qui l’assomma à moitié. On lui dit que ce n’était plus possible, qu’il était devenu la honte de l’établissement. Pourquoi étais-tu ici si c’est pour ne rien foutre ? Et il la sentit, la poignée de porte qui menait vers l’enfer. Il n’eut même pas peur, elle était rassurante. Il s’en saisit donc, l’ouvrant alors. Ses yeux rencontrèrent ceux de son professeur, lui transmettant l’insolence et la rage. Aussitôt, l’homme leva de nouveau la main en l’air, prêt à le frapper pour de bon. Parjure ! Non ! Il ne voulait pas être blessé ! Alors, la main se retourna vers son propre propriétaire, lui crevant un œil. On hurla dans la salle. Des chaises furent renversées, des professeurs se précipitèrent. On le poussa, l’extirpa. Il crut défaillir. On l’entraîna, le força à quitter la salle. L’incident fit jaillir nombres rumeurs et bruits de couloirs. Les jours passèrent, on le regardait de travers. Et puis, on le convoqua une quatrième fois. Pour que le professeur ne lui glissa un paquet de cigarette dans la poche. Pourquoi ? Parce que, gamin, tu n’es pas le premier. Et tu en auras besoin. Ce qu’il ne savait pas, à cette époque, c’est qu’il venait de recevoir le cadeau de sa vie. Un briquet volé, une journée de pluie, et il découvrit le parfum du calme. La porte était grande ouverte maintenant. Mais elle n’était plus tellement attirante lorsqu’il aspirait le souffre de son poison. Ce qu’il découvrit plus tard, c’est que son professeur fut tué quelques jours après son entrée dans sa troisième année de collège. Par qui ? Des fous qui se voulaient hommes et femmes de bonne foi. Pourquoi ? Parce qu’il était aussi un enfant de la guerre.

Il ne connaissait plus le silence. Tout n’était que bruit, vacarme infernale sous son crâne, qui tambourinait continuellement, le rendant aigre et sombre. Il écoutait, d’une oreille discrète, les lamentations des esprits qui ne demandaient qu’à s’exprimer. Dans ses doigts, un picotement enquiquinant, synonyme de son envie persistante de libérer les oiseaux sombres des cœurs pourris. Il se fatiguait, il s’épuisait, à ignorer les ombres qui grimpaient sur les murs, grouillant contre sa peau comme des millions de fourmis aux voix assourdissantes. Il finit par craquer. D’abord, il brisa un couple. Il attendit son bus, les yeux rivés sur son téléphone, lorsqu’un couple passa devant lui s’arrêtant pour attendre avec lui. Ils se disputaient. Elle refusait de l’écouter et lui tentait vainement de se justifier. Il releva les yeux, les observant, ressentant bouillonner la rancœur de la fille qui ne voulait qu’une seule chose, qu’il la laisse tranquille. Alors, il entrouvrit sa porte, poussant celle de l’autre d’une pichenette. Elle se mit alors à crier, l’accusant publiquement de tout ce qu’il lui avait fait. Elle le gifla, avant de partir, furieuse, retirant sa bague de fiançailles qui roula sur le béton. L’adolescent resta statique. Il referma simplement et lentement la porte de son cœur, qui enferma par la même occasion le sentiment de trahison de la fiancée en deuil. Puis il fit hurler une mère complètement débordée. Il s’achetait un paquet de lait dans un combini, regardant les prix avec morosité. Il entendit au loin une gamine pleurer, quémandant un bonbon que sa maman lui refusait. Elle tapa du pied, roula par terre, tira sur ses vêtements, se plaignant qu’elle n’était qu’une enfant martyre. Insensible à l’insatisfaction qui planait, il ne fit que cligner des yeux pour sentir la fragile ouverture de la mère, à deux doigts de s’écrouler, branlante comme une vieille maisonnette. Alors, il l’effleura, se demandant un instant si cela était louable ou non. Puis, finalement, il la poussa, entrant dans l’enfer du surmenage. La femme saisie alors sa fille par les cheveux, l’obligeant à lever la tête vers elle, le regard en tornade. Elle n’eut même pas besoin de la menacer, seuls ses yeux parlèrent, faisant immédiatement taire la plus jeune, dont les pupilles se remplissaient d’eau. Puis elle finit par terre, jetée avec presque du dégoût. Juste avant qu’il ne referme la porte, emprisonnant dans le sien le souvenir des larmes d’une enfant. Et il continua, comme une addiction. Il ne la ressentait pas encore, la montagne de débris qui grandissait en lui, empilant les sentiments comme des vêtements usagés. Mais lorsqu’il s’en rendit compte, il était déjà trop tard. Il s’intoxiquait tout seul, n’arrivant même plus à savoir lorsqu’il l’utilisait ou non, sa malédiction. Il confondait les rêves et la réalité, revivant chaque instant dans ses rêves, retrouvant ses démons à son réveil. Il atteignit son point de rupture, le non-retour qui lui stria la peau de ses propres mains. Sa nuque marquée d’une fleur de la mort, il ne put néanmoins pas se promettre de ne plus jamais ouvrir sa porte. Il ne le pouvait pas. Cela faisait partie de sa vie. Il venait de se trouver un refuge dans les bras des spirits hunters, s’accrochant au mirage de ne plus être seul. Déjà, il avait fait des erreurs, détruisant sa vie avant sa majorité. Il espérait qu’au moins, il avait donné un bon spectacle à son foutu dieu.

Les oiseaux chantaient dehors, et lui, allongé dans son lit, fixait le néant de son plafond, comptant le nombre de secondes avant que son réveil ne sonne. Il commençait à faire froid dehors. Peut-être devrait-il se couvrir un peu plus. Il entendit des bruits de pas. Etait-ce ses voisins ou sa mère ? Quelle différence, il ne les verra pas de toute manière. Aujourd’hui, il ne voulait pas se lever, il ne voulait pas aller en cours. Oublier son devoir d’élève, c’était fait depuis longtemps. Abandonner dans ses placards, il n’était plus qu’un idiot aux lèvres gercés par le nombre de cigarettes enchaînées en une heure. Un sourire lui échappa, alors que le scintillement de son téléphone qui indiqua qu’il fallait sortir du lit. S’en saisissant, il effleura l’écran cassé pour l’éteindre, avant de se replonger dans sa latence. L’ennui grignotait sa place dans sa vie, étirant les heures, les minutes et les secondes pour le faire souffrir une éternité. Sauf qu’une idée résonna dans sa tête. S’il ne voulait pas rejoindre ses petits camarades bénis, il pouvait au moins le retrouver lui. Son mentor, qui avait pansé ses plaies autant que lui l’avait fait pour les siennes. Rencontré le lendemain de sa première et dernière crise, il n’avait même pas eu la force de résister lorsqu’il lui avait offert ses mains pour le soigner. Un con, dans sa tête. Mais, il avait su lui prouver tout l’inverse. Il ressemblait à son père. Il en avait la carrure, l’humour et le flegme. Il ne parlait pas fort, mais il souriait assez pour que les étoiles en palissent. Il l’écoutait, toujours, dans une attente tendre. Ses rêves, ses cauchemars, ses peurs, ses joies. Tout était précieux à ses yeux. Il était le seul pour qui il voulait bien se rendre au lycée. C’était pour lui qu’il avait rencontré les enfants des dieux afin de les rejoindre. Un protecteur, un grand frère. Un bouleversement dans sa vie complètement effilochée d’évènements destructeurs. Un brin d’air frais. Et une promesse. Celle de ne pas oublier que la fleur dont les couleurs fanaient sur son cou était un symbole de rédemption. Ils ne croyaient en rien. Ils ne possédaient pas grand-chose. Mais ils se connaissaient. Un peu. Car, tandis que l’un cherchait cette personne qui hantait ses songes de minuit, l’autre n’attendait plus rien de la vie. Morosité qu’ils comblaient à deux. Il avait trouvé en lui une échappatoire, loin du chaos qu’il crée à chaque fois qu’il passait. Il n’utiliserait jamais son don sur lui. Ce n’était même pas envisageable. Seulement, cette tendresse sauvage, sauvetage sur un radeau en lambeau, ne pouvait pas tenir sur une promesse qu’il n’était même pas sûr de garder. Il lui faisait confiance. La méfiance n’était qu’envers lui-même. Et si, pour une fois, il pouvait protéger au lieu de détruire ? Son corps s’extirpa du lit, naviguant un instant avant qu’il ne claque la porte de l’appartement, descendant les escaliers en courant. Il pouvait passer sa journée à flâner sous le porche du restaurant dans lequel il travaillait, à attendre qu’il ne sorte pour partir à l’aventure. Remettant en cause son rôle de méchant.